BONG JOON-HO : « LA FIN DU MONDE EST UN CONTEXTE EXTRÊME QUI REVELE LA NATURE HUMAINE DANS TOUTE SA CRUDITE »

octobre 29, 2013 par mathildelorit

Que Bong Joon-Ho ait adapté Le Transperceneige – BD culte signée Jacques Lob, Benjamin Legrand et Jean-Marc Rochette – sonne comme une évidence : le réalisateur de Memories of Murder et The Host n’a jamais cessé d’exploiter le genre pour mieux sonder la férocité de l’homme et la violence des sociétés. Aussitôt après avoir découvert le livre, il s’est associé à Park Chan-wook (producteur) et a passé trois ans sur le développement et la réalisation du film. Fort d’une coproduction internationale, le Coréen s’offre un casting prestigieux sans renoncer à la noirceur de ses précédents opus. Visuellement, le spectacle est grandiose et la mise en scène époustouflante. On a profité d’une rencontre avec les blogueurs français pour soumettre Bong Joon-Ho à la question. Morceaux choisis. 

Snowpiercer_ext4-©-2013-SNOWPIERCER-LTD.CO_

L’UNIVERS POST-APOCALYPTIQUE

« Chaque génération est persuadée qu’elle va connaître la fin du monde de son vivant. La peur qu’inspire ce thème est universelle. Il fascine tout particulièrement les créateurs dans la mesure où il s’agit d’un contexte extrême qui révèle la nature humaine dans toute sa crudité ».

LE HUIS-CLOS DU TRAIN

 « La contrainte venait de la succession des compartiments dans le train. Même s’ils mettent en scène des décors différents, ils se ressemblent beaucoup : il s’agit d’espaces confinés et étroits. Malgré une longue préparation, nous avons eu de vraies bouffées d’angoisse, nous nous sommes posés beaucoup de questions sur la façon de surmonter cette difficulté. Notre crainte, c’était d’avoir, au bout du compte, un film qui montre une succession de couloirs. Finalement, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il fallait tout miser sur le mouvement. D’abord, le train est un engin qui avance, qui contourne des montagnes, traverse des ponts et des tunnels, avec des contrastes de lumière très forts. Ensuite, à l’intérieur du train, les gens bougent constamment. Sans oublier la caméra, qui est elle-même en mouvement pour suivre cette double mobilité. Mais le mouvement vient aussi du récit : le credo de Curtis, c’est d’aller de l’avant, quoi qu’il arrive ».

« Mon affection va aux losers, aux personnages à problèmes, voire à ceux à qui il manque une case ».

L’ORIGINE SOCIALE DES PERSONNAGES

« Choisir des héros issus de classes défavorisées est pour moi une façon honnête de parler de l’homme dans ce qu’il a de plus universel. Cela ne m’empêche pas d’aimer les films de super héros, mais mon affection va aux losers, aux personnages à problèmes, voire à ceux à qui il manque une case. Ce qui m’intéresse, c’est de leur confier une mission qui dépasse leurs capacités. Dans Memories of murder, un policier incompétent traque un serial killer et dans The Host, c’est un papa démissionnaire qui doit affronter un monstre pour sauver sa fille. Il y a chez ces anti-héros, obligés d’affronter leurs faiblesses, quelque chose de très cinématographique ».

Snowpiercer_John-Hurt-©-2013-SNOWPIERCER-LTD.CO_

L’HUMOUR DU FILM

« C’est une question de sensibilité personnelle : j’ai toujours pensé que même dans les situations les plus graves, voire les plus effrayantes, il y avait quelque chose de drôle, de l’ordre de l’humour noir. Inversement, dans les situations censées être drôles, on se rend compte qu’il y a souvent quelque chose d’amer, de pas si marrant. C’est une forme de complexité qui est propre à l’homme et à la vie en général. On le voit dans le personnage incarné par Tilda Swinton : elle a l’air d’une espèce de marionnette, avec des expressions grotesques, qui font rire. On dirait presque le bouffon de Wilford. Mais quand on l’écoute parler, elle dit des choses épouvantables. Pour moi, cette façon de traiter le personnage n’édulcore en rien l’essence du sujet ».

LE TRAVAIL DE LA MUSIQUE

 « J’avais beaucoup aimé la musique de 3H10 pour Yuma, composée par Marco Beltrami, et de son coté, il avait beaucoup apprécié la BO de Mother : ces deux musiques nous ont naturellement servi de références. Notre idée, c’était de mélanger deux univers très différents. Un côté primitif et violent pour les scènes de combat à la hache, mais aussi quelque chose de très poétique et mélancolique issu des paysages enneigés. Le tout premier thème composé pour le film a été celui de la scène de classe, quand les enfants chantent une chanson à la gloire de Wilford. Marco Beltrami a fait une maquette avec les voix de sa femme et de ses enfants, et c’est ce qui a servi de base à la musique ».

 

 

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